Réseau québécois de la télésanté

Quand la santé se réinvente à distance

6 mars 2025
Par le Centre d’expertise du Réseau québécois de la télésanté 

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Dans le cadre du projet d'appropriation de la téléconsultation dans le réseau de la santé, nous avons rencontré dix professionnels qui intègrent activement cette activité dans leur pratique quotidienne. Ces échanges ont nourri la rédaction de cinq articles thématiques dont voici le premier. Ils sont regroupés sous le titre Au cœur de la téléconsultation : série de discussions avec des professionnels.

Nous espérons que cette série encouragera les cliniciens à envisager la téléconsultation. Non seulement comme une nécessité favorisant l’accès aux soins, mais comme une opportunité d'amélioration continue, d'innovation et de réalisation personnelle.

Visuel du premier article de la série Au cœur de la téléconsultation

Imaginez un matin ordinaire dans le réseau de la santé…

Dans un bureau baigné de lumière naturelle, un généticien lance une rencontre virtuelle avec une équipe d’infirmiers d’un hôpital régional, à des centaines de kilomètres.

Une orthophoniste allume son ordinateur, prête à discuter avec un parent préoccupé par la condition de son enfant.

Une gérontopsychiatre planifie une réunion en ligne avec une famille qui se réunira autour d’un écran pour discuter des soins à apporter à un proche.

Ceci est la réalité quotidienne d’une dizaine de professionnels de la santé que nous avons rencontrés. Des précurseurs d’une pratique qui fait évoluer l’accès aux soins : la téléconsultation.

S’organiser dans le virtuel : l’art de la préparation

Pour la Dre Stéphanie Marsan et l’infirmier-chef Sofiane Chougar du programme de toxicomanie du CHUM, c’est la collaboration étroite avec des organismes communautaires qui a motivé les efforts de préparation. En effet, ces partenariats permettent de simplifier l’accès aux patients, qu’ils soient dans des régions éloignées ou qu’ils préfèrent se rendre dans des lieux familiers.

D’autres s’appuient sur une structure rigoureuse : protocoles clairs, équipes bien formées, et, au début, un « super utilisateur » pour les guider dans cette transition technologique. La courbe d’apprentissage est parfois abrupte, mais une fois les outils maîtrisés, tout devient plus fluide.

Chose certaine, l’importance de l’investissement initial dans l’organisation et la préparation aux téléconsultations a été soulignée par plusieurs professionnels. Ils mentionnent que le temps consacré au départ permet de gagner beaucoup de temps par la suite, optimisant ainsi l’efficacité globale des soins. Ce temps économisé peut ensuite être réinvesti dans les soins directs aux patients et l’amélioration continue de leurs services.

Des opportunités inédites, à portée de clic

L’investissement initial dans l’organisation de la téléconsultation est crucial. Une fois que nous prenons le temps de mettre en place un système structuré, le reste suit naturellement, car vous n’avez qu’à reprendre le modèle développé et l’ajuster à votre contexte d’intervention, si nécessaire.

Véronique Tétreault

Orthophoniste

Avec la téléconsultation s’ouvre un monde de possibilités :

Les rencontres de groupe autrefois impossibles – qu’elles concernent des parents, des collègues ou des équipes interdisciplinaires – deviennent une réalité quotidienne pour certains.

Pour d’autres, cela se traduit par moins d’absences non annoncées (no-shows) et une flexibilité d’horaire bien accueillie.

Pour les généticiens rencontrés, cela signifie couvrir un très large territoire sans se déplacer.

La psychologue Julie Vadeboncoeur souligne quant à elle la magie du partage d’écran : « Expliquer un schéma, partager un guide, c’est tellement plus simple maintenant ».

Enfin, la gérontopsychiatre Dre Élisabeth Cournoyer remarque de son côté que les téléconsultations donnent un aperçu de la vraie vie des patients, de leur environnement. « On comprend mieux leur réalité et leurs défis. Ça ajoute une profondeur inattendue au soin ».

Avec les bonnes procédures, la téléconsultation peut devenir une méthode incontournable dans des domaines spécialisés comme la génétique.

Dr Sébastien Chénier

Généticien

Les défis à surmonter : la technologie, une bête à apprivoiser

Évidemment, tout n’est pas simple dans l’univers du virtuel. Il y a d’abord l’appréhension face aux outils technologiques : ces écrans, caméras et parfois même lunettes de réalité mixte qui semblent compliquer les gestes ordinaires. Puis, il y a les limites de l’absence physique : certains examens ne peuvent tout simplement se faire qu’en présentiel.

Pourtant, tous s’accordent pour dire que ces défis tendent à s’atténuer avec le temps. La technologie devient un outil parmi d’autres, et les professionnels, tout comme les patients, gagnent en confiance.

Un consensus clair émerge de nos entretiens : bien que l’introduction de la téléconsultation présente initialement des défis, le sentiment général est que, avec le soutien approprié et une période d’adaptation, ces outils deviennent essentiels à la pratique quotidienne des soins. Les professionnels reconnaissent que la maîtrise de la téléconsultation a significativement amélioré leur capacité à fournir des services efficaces et en temps opportun.

Qualité des soins : des ponts plutôt que des barrières

La téléconsultation n’est pas qu’un simple outil. C’est une manière de repenser le soin. Sofiane Chougar constate : « La télésanté nous a permis de rejoindre des patients qui étaient perdus pour le système de santé, ou qui n’y avaient pas accès auparavant ». Une travailleuse sociale constate que les urgences sont moins visitées par ses patients grâce à des suivis réguliers facilités par le numérique.

Dans un CHSLD du CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal où un projet pilote a été déployé, 100 % des téléconsultations prévues ont été effectuées. De plus, aucun transfert non essentiel à l’urgence ou besoin de suivi en présentiel n’a été nécessaire suivant les rencontres virtuelles. Le succès est tel que l’établissement prévoit implanter la méthode dans deux autres de ses CHSLD.

D’autres professionnels témoignent que des membres de la famille peuvent désormais participer activement aux discussions concernant leur proche. Le soin devient ainsi une affaire collective où chacun trouve sa place, même à distance.

La révolution tranquille des soins de santé

La téléconsultation, c’est bien plus qu’une solution pratique. C’est une manière de repenser le soin en tirant profit de la technologie pour rendre les services plus accessibles, inclusifs et efficaces. Les professionnels rencontrés nous l’ont exprimé : la téléconsultation n’est pas une mode passagère, mais une véritable révolution dans la manière de prodiguer des soins. Elle redessine les contours de la relation entre soignant et patient, offrant un accès plus large, des suivis plus fluides et une compréhension plus humaine des besoins de chacun.

Pour ces pionniers du quotidien, chaque appel vidéo, chaque clic, chaque partage d’écran, est une pierre ajoutée à cet édifice moderne. Tous s’entendent pour dire que c’est un investissement dont le retour est inestimable. Et dans leurs récits, on entend une chose claire : la santé à distance n’éloigne pas, elle rapproche.


Nous tenons à exprimer notre gratitude envers les professionnels qui ont généreusement partagé leur temps et leur expertise pour enrichir notre compréhension de la téléconsultation. Leur engagement et leur volonté de contribuer à l’évolution des pratiques sont inestimables. Merci à ces ambassadeurs de la téléconsultation.

  • Sylvain Charbonneau (chef Transfert des connaissances et innovation, CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal)
  • Dr Sébastien Chénier (généticien, CIUSSS de l’Estrie-CHUS)
  • Sofiane Chougar (infirmier-chef, CHUM)
  • Dre Elisabeth Cournoyer (gérontopsychiatre, CIUSSS du Nord-de- l’Île-de-Montréal)
  • Anthonie Grondin (chef de programme Santé mentale et dépendance, CISSS de la Montérégie-Est)
  • Frejus Kénali (répondant technologique, CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal)
  • Francine Labelle (assistante infirmière-cheffe par intérim, CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal)
  • Karine Lamoureux (travailleuse sociale, CISSS de la Montérégie-Est)
  • Dre Stéphanie Marsan (médecin et cheffe médicale du service de médecine des toxicomanies, CHUM)
  • Renée Mayrand (orthophoniste, CISSS des Laurentides)
  • Rodion Mélenciuc (infirmier, CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal)
  • Véronique Tétreault (orthophoniste, CISSS des Laurentides)
  • Julie Vadeboncoeur, Ph.D. (psychologue, CISSS de la Montérégie-Centre)

Dernière mise à jour : 20 mars 2025