Bienvenue dans la nouvelle série d’articles du Réseau québécois de la télésanté : « Découvrez mon métier en télésanté »!
Chaque mois nous irons pour vous à la rencontre de professionnels de la santé d’horizons divers. En quelques questions, découvrez qui sont les acteurs travaillant fort et parfois dans l’ombre pour mettre de l’avant la pratique de la télésanté au Québec. Voyez également comment les modalités de soins virtuels s’intègrent dans leur quotidien.
Que faites-vous dans la vie? Qu’est-ce qui vous a amenée à travailler en télésanté?
Bonjour, je suis Kim Bédard-Charette, psychiatre légiste et directrice médicale et des services professionnels à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel.
En 2002, j’ai complété ma formation en psychiatrie à l’université de Montréal. J’ai démarré tout de suite ma pratique ici à Pinel. J’ai été interpellée par la psychiatrie assez tôt dans mon parcours académique, c’était très clair pour moi que je voulais devenir médecin. Le désir d’apaiser la souffrance humaine s’est imposé à moi. La vaste majorité de ma pratique a été en psychiatrie légale. Je fais majoritairement des évaluations à la demande des différents tribunaux mais j’ai aussi des tâches clinico-administratives.
Depuis le tout début de ma carrière, j’ai un intérêt prononcé pour la télésanté. J’ai été chargée du plan clinique du volet télésanté à l’Institut Pinel. Ce qui m’a amenée à m’intéresser vraiment de près au réseau de télésanté au Québec. J’ai notamment participé à la table clinique de télésanté et l’ai même animée. On m’a aussi déjà sollicitée pour aller présenter à Inforoute Santé du Canada car on est un peu des précurseurs ici, à Pinel.
Je suis donc responsable de la télésanté depuis 2002. Mais j’ai aussi accepté d’autres tâches administratives à côté. Je suis passée d’adjointe au chef du département à cheffe du département, puis depuis 2019, je suis directrice médicale et des services professionnels.
Qu’est-ce qui vous plait le plus dans votre travail?
Être psychiatre est un travail qui me passionne depuis toujours. Et ce qui me plaît le plus dans mon travail c’est qu’il n’y a pas de barrières. J’aime « penser en dehors de la boîte » et j’ai la chance d’avoir un travail et des missions qui me le permettent. La télésanté facilite cela encore en plus puisqu’il y a moins de limites physiques et de temps de déplacement. J’ai bien conscience que tous les milieux n’ont pas la chance d’avoir la même agilité.
Je dis souvent à mes enfants, trouve un métier qui te passionne et tu n’auras pas l’impression de travailler un seul jour de ta vie. Je pense que je suis l’incarnation de cela.
À quoi ressemble votre quotidien en tant que médecin et directrice?
Comme j’ai une tâche clinique complète et une tâche administrative presque complète, mes journées sont très, très, très remplies. Maintenant je ne perds plus une minute, j’utilise même mes temps de déplacement. Je suis arrivée à un point où cela me dérange presque de faire des rencontres en présentiel car cela m’oblige à prévoir le temps de me déplacer et avec un emploi du temps qui déborde, comme le mien, chaque petite minute est précieuse.
Je fais de très longues journées et c’est notamment une des raisons pour lesquelles la télésanté fait vraiment partie de mon quotidien. J’ai un setup de télétravail à Pinel, à la maison et même au chalet, donc peu importe où je suis, je suis capable de me brancher en quelques minutes et d’être fonctionnelle.
Bien souvent, ma journée de travail commence dès que j’ouvre l’œil. Mon premier réflexe, ça va être de prendre mes courriels dans mon cellulaire. Je vais épurer ce que je peux déjà régler. Je travaille la plupart du temps à Pinel. Durant mon trajet, je vais prendre mes premières réunions administratives dans l’auto.
Généralement, mes rencontres se font sur Teams. Elles sont imbriquées avec mes activités cliniques. C’est vraiment une alternance très rapide de moments où je me branche en Teams, puis où je rencontre les patients. C’est comme un ballet, tout est synchronisé.
La plupart des rencontres administratives se tiennent à distance. Les rencontres cliniques, donc avec le patient ou avec l’équipe clinique, se tiennent principalement en présentiel. Chaque psychiatre a une pratique différente. Parfois, j’ai des patients qui viennent d’ailleurs, par exemple d’un centre pénitencier, donc on va faire des rencontres cliniques avec des équipes traitantes à distance.
Je me suis organisée pour que la télésanté m’accompagne partout. C’est comme dans mon ADN maintenant.
Je pratique également la télécomparution (voir l’article Démystifions la télécomparution). La plupart des témoignages des psychiatres de Pinel au Tribunal se font à distance par visioconférence, que ce soit pour la commission d’examen des troubles mentaux, à la cour supérieure, à la cour municipale, à la chambre criminelle et pénale, ou en chambre de la jeunesse.
Pouvez-vous nous parler d’un projet qui vous a marquée ou dont vous êtes fière?
Ce qui me rend le plus fière, c’est lorsque mes patients sont heureux. Voici un exemple d’un patient qui m’avait beaucoup touchée. Il s’agit d’un père de deux fillettes, et qui malheureusement, suite à un incident de parcours dans sa vie, s’est retrouvé à l’Institut Pinel. Avant, il faisait les devoirs de ses filles avec elles à la maison. Grâce à la visioconférence, on a réussi à organiser des moments où, le soir, le papa pouvait s’installer avec la tablette et rejoindre ses filles qui étaient à la maison pour continuer à les aider à faire leurs devoirs.
Parce que malheureusement, on a toujours l’impression qu’il n’y a que des bandits et des criminels à Pinel. Mais dans les faits, ce sont simplement des gens qui ont eu des incidents de parcours. C’est déjà stigmatisant d’être atteint d’un trouble de santé mentale alors imaginez quand, en plus, on est passé par la prison ou par un institut comme le nôtre. C’est pourquoi rendre les soins humains, englobants et facilitants est vraiment quelque chose d’important pour nous. Cela passe aussi par le fait de permettre à un patient de bénéficier de la télécomparution. Cette pratique est beaucoup plus confortable et rassurante pour lui. Tout cela est très valorisant en tant que clinicienne.
Ce sont des petites choses comme ça qui m’emplissent de gratitude et de fierté. C’est génial de voir à quel point on peut utiliser la technologie pour rassembler les cœurs, pour que les gens soient proches, pour humaniser les soins.
Maintenant, en tant que directrice des services professionnels, ma plus grande fierté est lorsque le travail de toute notre équipe rayonne. Cela a par exemple été le cas lorsqu’on a reçu le Prix de l’administration publique du Québec (IAPQ) en 2023. Moi je témoigne au tribunal, mais ce n’est pas le cas pour tous ceux qui travaillent dans l’ombre.
Si je suis capable d’avoir une visioconférence, c’est grâce à Alain qui a facilité les choses, qui a pris le rendez-vous et qui s’est assuré que j’étais dans la bonne salle avec le bon lien. C’est grâce à Isabelle qui est venue faire mon branchement. C’est aussi grâce à Mathieu qui a fait l’enregistrement. Je trouve qu’un prix comme celui-là permet de mettre de l’avant le travail de toutes et tous et de montrer le côté humain qu’il y a derrière l’expérience.
Une autre chose dont on est très fiers c’est que lorsqu’Agrément Canada vient visiter l’établissement Pinel, nous avons toujours une mention spéciale pour notre programme de télésanté. Nous sommes heureux d’avoir un bon bulletin et que les gens reconnaissent notre travail.
Quelles sont vos plus grandes forces dans votre travail?
À l’Institut Pinel, nos plus grandes forces sont l’agilité et la capacité d’adaptation. À quel point on est capable « de se revirer sur un dix cents », comme on dit en bon québécois.
Parce que parfois, tout ne marche pas comme prévu. Il faut vraiment être capable d’être agile. Ici nous avons la chance d’être dans un très petit établissement. Il faut pouvoir compter les uns sur les autres. Et justement, une autre de nos forces, c’est la collégialité. Nous sommes une équipe très solide et soudée.
Quel est votre plus grand défi en télésanté?
L’harmonisation des pratiques et le fait que les systèmes ne se parlent pas tous est un défi important. Par exemple, avant, les équipements technologiques que nous avions à l’Institut Pinel ne pouvaient pas communiquer avec les équipements de la sécurité publique ou encore ceux de la justice. Nous n’utilisions pas les mêmes technologies. Il a donc fallu travailler très fort pour avoir des « passerelles » qui permettaient de migrer d’un système vers l’autre.
Depuis la pandémie, notre système technologique a évolué et nous nous sommes grandement améliorés. Cependant il y a encore trop de perte de temps à cause de certains enjeux technologiques et du manque de ressources humaines et financières.
Quel superpouvoir vous serait le plus utile dans votre profession?
Je trouve qu’on est déjà très privilégiés côté télésanté à l’Institut Pinel. Ça m’a beaucoup facilité la vie. En regardant mon agenda, je pense que j’aurais probablement besoin d’avoir le don d’ubiquité (pouvoir me dédoubler). C’est ce qui me rendrait le plus efficiente et ce serait un superpouvoir que j’aimerais beaucoup avoir.
Mais sinon je rêve presque du jour où il existera un casque de réalité virtuelle qui nous permettra d’être dans le bureau avec le patient comme si on y était en personne. Je trouverais ça merveilleux.
Qu’est-ce qui est le plus important quand on exerce votre profession?
D’après moi, la compassion et l’empathie, l’ouverture d’esprit et l’ouverture à l’autre et enfin la résilience. La résilience parce qu’on passe notre temps à se faire bousculer par l’administration, la justice, la sécurité publique. Cela vient du fait qu’on travaille avec des partenaires intersectoriels qui ne parlent pas le même langage que nous.
Donc je dirais qu’il faut avoir la capacité de s’adapter aux autres réalités, mais aussi avoir le désir, plus fort que tout, de collaborer avec le patient dans son rétablissement. Je pense que quand on a le patient au centre de nos priorités tout devient limpide. C’est beaucoup plus facile de ne pas perdre le nord.
Pour en découvrir davantage, voyez la vidéo « La télésanté à l’Institut de psychiatrie légale Philippe-Pinel » produite par l’établissement.
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