La téléconsultation s’est imposée comme modalité de soins complémentaire dans les pratiques d’aujourd’hui. Elle facilite l’accès aux services et optimise la gestion du temps de tous, patients comme professionnels. Si cette approche a connu un essor significatif en réponse à la pandémie de COVID-19, elle continue d’évoluer pour répondre aux exigences des différents contextes de soins.
Aussi avantageuse soit cette pratique de télésanté, son adoption n’est pas sans défis. On pense notamment à l’effort requis pour s’adapter aux outils technologiques, aux limites lorsqu’un examen physique est requis ou encore à la difficulté d’encadrer les comportements des participants à distance. Autant d’enjeux avec lesquels les professionnels de la santé doivent composer. Loin d’être des barrières insurmontables, ces défis constituent des opportunités d’amélioration continue.
Nos entrevues avec des professionnels de la santé nous ont permis de regrouper les défis rencontrés en quatre catégories.
.01 L’adaptation aux outils technologiques : un apprentissage progressif
L’un des premiers défis rencontrés par les professionnels de la santé concerne l’appropriation des outils technologiques. Pour certains, la transition vers des plateformes de consultation en ligne a été fluide, tandis que pour d’autres, elle s’est avérée plus complexe, nécessitant une courbe d’apprentissage importante.
Les difficultés techniques rencontrées peuvent prendre plusieurs formes : problèmes de connexion, gestion des documents et des dossiers médicaux numériques, craintes face aux technologies, manque de formation initiale, etc.
Solutions proposées
- Formation et accompagnement : Des initiatives de formation continue et des guides pratiques permettent aux professionnels de mieux maîtriser la plateforme utilisée. À cet égard, la meilleure ressource disponible demeure la Carte interactive de la téléconsultation. Elle regroupe au même endroit des fiches d’information, des infographies et de courtes capsules vidéo.
- Soutien technique dédié : La disponibilité en temps réel d’un service de soutien pour les utilisateurs des outils de télésanté est un levier essentiel. Les professionnels pratiquant la téléconsultation peuvent justement compter sur le Centre de soutien des services numériques en santé (CSSNS). Son offre de service et ses coordonnées sont disponibles à la page Soutien aux cliniciens et professionnels.
Avec le temps et la pratique, les professionnels gagnent en confiance et surmontent progressivement les défis technologiques.
.02 Les limites pour les examens physiques : pallier l’absence de contact direct
L’un des aspects limitants les plus fréquemment cités par les professionnels de la santé est l’incapacité de réaliser certains examens physiques lors d’une téléconsultation. En effet, bien que plusieurs évaluations puissent être effectuées à distance, certaines conditions de santé nécessitent une interaction physique avec le patient. En médecine générale par exemple, l’absence d’examen palpatoire ou de prise de constantes limite les diagnostics. Des orthophonistes nous ont aussi fait part de l’enjeu de la qualité du microphone utilisé par le patient. En effet, dans leur domaine d’expertise, une faible qualité sonore peut compliquer l’évaluation du langage ou de la parole.
Solutions proposées
- Utilisation d’outils complémentaires : Les objets médicaux connectés permettent d’obtenir certaines données vitales à distance. On pense notamment au tensiomètre, à l’oxymètre et au stéthoscope électroniques. Le sujet de ces équipements particuliers est abordé dans l’article La télésanté au cœur de l’hospitalisation à domicile.
- Approche hybride : Une combinaison de téléconsultations et de rencontres en présentiel est souvent gagnante. Cette logique du bon type de soin au bon moment permet d’optimiser le suivi des patients en tablant sur les avantages spécifiques du numérique.
- Collaboration interprofessionnelle : Dans certains contextes, on peut réorganiser légèrement la répartition du travail au sein de l’équipe de sorte que la portion physique de l’intervention soit assurée à un autre moment ou par un autre professionnel.
La téléconsultation n’a pas vocation de remplacer l’examen physique. Par contre, son utilisation judicieuse permet de compléter le suivi intelligemment, selon la réalité clinique et les besoins des patients.
.03 Le décorum en téléconsultation : instaurer un cadre professionnel à distance
Un autre défi souvent relevé concerne le comportement des participants lors des consultations en ligne. Dans leur environnement, les patients peuvent parfois négliger certains aspects du décorum professionnel. Par exemple, certains se connectent en vêtements inappropriés, dans des lieux inadéquats, ou en présence de distractions perturbant le bon déroulement de la téléconsultation.
Cet aspect concerne également les professionnels eux-mêmes qui doivent s’assurer de réaliser les rencontres dans un environnement adéquat. L’emplacement choisi doit être empreint de professionnalisme pour susciter la confiance de son patient et garantir la confidentialité.
Solutions proposées
- Établir des règles claires : Avant chaque téléconsultation, l’envoi de recommandations aux patients favorise une interaction de qualité. Les instructions peuvent notamment comprendre le fait de s’habiller convenablement et de choisir un lieu isolé et sans bruit environnant. L’étape 5 de la procédure Participer à une téléconsultation en tant que patient fournit quelques exemples supplémentaires.
- Cadrer les attentes dès le départ : Une introduction rapide en début de téléconsultation peut s’avérer utile pour rappeler les règles de base garantissant une meilleure dynamique.
- Standardiser les pratiques : Pour les professionnels, l’adoption d’un cadre de travail clair et rigoureux permet d’améliorer l’efficacité des téléconsultations. À ce sujet, consultez la fiche 07. Les bonnes pratiques en rencontres virtuelles (PDF 161 Ko).
L’expérience des cliniciens consultés a démontré qu’avec des règles explicites et une sensibilisation adaptée, le déroulement des téléconsultations s’améliore considérablement.
.04 L’adaptation aux équipements spécifiques : bien gérer la transition
Quand on intègre des pratiques innovantes telles que l’utilisation de lunettes à réalité mixte ou même d’applications de téléconsultation, un temps d’adaptation est nécessaire autant pour les professionnels que pour les patients. Aussi prometteurs soient-ils, le manque de familiarité des utilisateurs avec ces outils peut susciter des réticences.
Dans des établissements de soins de longue durée, par exemple, l’implantation de lunettes connectées a initialement suscité des résistances, avant d’être acceptée et adoptée grâce à un accompagnement structuré.
Solutions proposées
- Former progressivement les utilisateurs : L’introduction progressive des outils avec des séances de démonstration et de formation réduit la peur du changement. Il ne sert à rien de vouloir aller trop vite. On planifie l’accompagnement et on y va un changement à la fois.
- Avoir des superutilisateurs : Identifier des ambassadeurs parmi les professionnels ou les membres de l’équipe administrative. Ce sont des personnes-ressources qui maîtrisent bien les outils et peuvent accompagner leurs collègues.
- Valoriser les bénéfices : Communiquer clairement au sujet des gains potentiels en termes de temps, de confort et d’efficacité optimise l’adoption des nouvelles technologies. Il est connu qu’en situation de changement, les personnes qui voient concrètement les avantages pour elles sont plus engagées.
Avec le temps, la technologie devient une alliée plutôt qu’un frein, à condition qu’elle soit bien intégrée et qu’elle suscite l’adhésion de ses utilisateurs.
Un avenir prometteur pour la téléconsultation
Malgré ces quelques défis, les retours d’expérience montrent que la téléconsultation a su s’imposer comme un outil précieux dans la modernisation des soins de santé. Les résistances initiales s’estompent avec la familiarisation progressive et les ajustements apportés permettent une meilleure expérience pour tous les acteurs impliqués.
L’avenir de la téléconsultation repose sur l’amélioration continue des pratiques et des technologies, mais aussi sur l’accompagnement des professionnels et des patients. En mettant l’accent sur la formation, le soutien et la flexibilité des approches, il est possible d’aller encore plus loin et de faire de la téléconsultation un véritable levier d’innovation au service des professionnels de la santé et des patients.
Nous tenons à remercier les professionnels qui ont généreusement partagé leur temps et leur expertise pour parfaire notre compréhension de la téléconsultation.
- Sylvain Charbonneau (chef Transfert des connaissances et innovation, CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal)
- Dr Sébastien Chénier (généticien, CIUSSS de l’Estrie – CHUS)
- Sofiane Chougar (infirmier-chef, CHUM)
- Dre Elisabeth Cournoyer (gérontopsychiatre, CIUSSS du Nord-de- l’Île-de-Montréal)
- Anthonie Grondin (chef de programme Santé mentale et dépendance, CISSS de la Montérégie-Est)
- Frejus Kénali (répondant technologique, CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal)
- Francine Labelle (assistante infirmière-chef par intérim, CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal)
- Karine Lamoureux (travailleuse sociale, CISSS de la Montérégie-Est)
- Dre Stéphanie Marsan (médecin et cheffe médicale du service de médecine des toxicomanies, CHUM)
- Renée Mayrand (orthophoniste, CISSS des Laurentides)
- Rodion Mélenciuc (infirmier, CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal)
- Véronique Tétreault (orthophoniste, CISSS des Laurentides)
- Julie Vadeboncoeur, Ph.D. (psychologue, CISSS de la Montérégie-Centre)